L'histoire de la Posterie
Les origines
Avant l’établissement des chemins de fer, il existait en Belgique un service de transport par reliais pour la conduite des malles postales avec ou sans voyageurs. Les entrepreneurs de ces relais occupaient des maîtres de poste, postillons, guides, estafettes, courriers, etc… dont les fonctions étaient réglées par le gouvernement.
On comptait une vingtaine de relais dans le Hainaut et l’un des principaux se trouvait à Courcelles, ferme de la Posterie, située dans l’actuelle rue Monnoyer. Ce relais assurait des services vers six directions à savoir :
- Charleroi : distant d’une poste et demie ;
- Anderlues : distant d’une poste et demie ;
- Genappe : distant de deux postes et demie ;
- Haine-Saint-Pierre : distant de deux postes ;
- Nivelles : distant de deux postes et un quart ;
- Sombreffe : distant de deux postes trois quart.
On assurait également par courriers la distribution des plis et correspondances dans Courcelles et les environs. La Ferme de la Posterie compte parmi les plus anciennes de Courcelles ; il n’est pas possible de remonter à l’époque de sa construction, mais ce que nous pouvons affirmer c’est qu’elle fut incendiée, en même temps que le Château de Rianwelz, en 1684 par les troupes françaises de Louis XIV qui luttaient contre le Prince d’Orange.
Elle était alors occupée par son propriétaire Armand Dufresne qui la reconstruisit en 1687, et fit placer au portail d’entrée de la cour une pierre qui a été déplacée par la suite. Cette pierre figure un frêne au travers duquel une banderole porte l’inscription :
« À l’ombre du frêne » 1687
N’est-ce pas là un jeu de mots de cet Armand Dufresne ?
Son fils fut premier magistrat de 1729 à 1758 et ses quatre fils se consacrèrent tous au sacerdoce de Dieu. L’un deux, Jean-Baptiste entra dans l’ordre des Prémontrés en 1750, fut reçu chanoine puis professeur et ensuite Gouverneur de l’Abbaye de Floreffe. Dans l’angle supérieur gauche d’un de ses portraits figure une vignette ovale avec un frêne sur le tronc duquel se trouve un aigle héraldique. En-dessous l’inscription :
« Invisa Colubris » an 1767
Il y a corrélation, semble-t-il, entre le frêne de la pierre et celui du portrait dont l’inscription, qui doit symboliser la médisance, n’atteint pas le frêne de Dufresne, que défend l’aigle.
La soeur d’Armand Dufresne, nommée Anne-Marie, épousa François-Philippe Monnoyer (magistrat de 1718 à 1758) et hérita de la ferme de la Posterie.
Son fils, François-Joseph Monnoyer, né en 1724, épousa Marie-Françoise Pierret et, de cette union, naquit Marie-Françoise Monnoyer qui épousa Thomas Fontaine qui fut le dernier maître de poste, maïeur de 1808 à 1812 et ensuite premier assesseur né à Gosselies, le 29 janvier 1778 et décédé à Courcelles, le 17 juin 1850. La ferme de la Posterie comprend :
- à gauche : le corps de logis ;
- à droite : les écuries ;
- au centre : une grande cour d’environ 20m sur 40 ;
- tandis qu’au fond se trouvent les granges.
La plupart des matériaux utilisés sont du XVIIème siècle ; il en est qui proviennent du remploi de la première ferme incendiée.
A l’intérieur il y a une belle salle à manger avec poutres et solives et un parquet toujours garni de larges planches en chêne. Le vestibule est remarquable par les quelques marches de l’escalier ayant des balustres comme fuseaux. La cuisine est pavée de dalles bleues du XVIIème siècle et que l’usure a polies et embellies.
Les écuries pouvaient contenir une vingtaine de chevaux. Ceux de la Posterie étaient renommés et provenaient en grande partie de la ferme de Corbeaux tenue alors par Monnoyer Charles-Alexandre, son beau-fils, lequel pratiquait, sur une assez vaste échelle, l’élevage des chevaux et des moutons. Le propriétaire de la ferme de Corbeaux était en ce temps, Delavaut August, né en France en 1771, et habitant Bruxelles, rue du Marquis, 248. Il possédait aussi la ferme Daloze de Rêves, et ambitionnait l’honneur de pourvoir les relais des chevaux de ses fermes.
Lorsque les coursiers de la Posterie étaient fatigués, malades ou épuisés, c’est à la ferme de Corbeaux qu’ils réparaient leurs forces, par un travail plus léger de campagne.
Le service des postes était réglé par plusieurs lois dont les plus intéressantes étaient celles du 23 juillet 1793 et celle du 19 frimaire an VII.
Thomas Fontaine choisissait lui-même ses postillons qui, en service, portaient au bras gauche une plaque indiquant « relais de Courcelles ».
Quand il n’y avait aucun voyageur à transporter par poste, le postillon partait sur un cheval à « franc étrier » ; alors les lettres étaient placées soit dans les poches de la selle, soit dans un havresac en bandoulière. Lorsque plusieurs voyageurs étaient à transporter, et c’était souvent le cas, on se servait de la limonière qui se remisait à droite de l’entrée de la ferme. Cette limonière pouvait rouler avec deux ou trois chevaux, le postillon se tenant, selon le règlement, sur le cheval de gauche. Chaque postillon avait un fouet qui était l’objet de nombreux soins et qui était entouré d’un certain respect ; jamais il ne le prêtait ni le quittait. Il était d’usage, lorsque la malle-poste, venant de Binche, passait « au moulin Mouton » (Petit Courcelles), de claquer six fois du fouet pour avertir la Posterie, afin de préparer les chevaux frais pour le rechange.
Cette besogne incombait à « l’hariqueu » qui brossait, nettoyait et harnachait les chevaux. Il les sortait de l’écurie et les attachait provisoirement aux anneaux du bas mur de la fosse à fumier. La malle arrivée dans la cour, le maître de poste assurait son service, prenait la correspondance pour Courcelles et les environs, remettait celle à destination des autres relais et les voyageurs montaient en poste, pendant que les chevaux étaient attelés. Ensuite le postillon partait pour la nouvelle destination pendant que le guide retournait à son poste d’attache avec ses chevaux.
Le tarif des axes à payer pour les voyages était réglé « en postes », c’est-à-dire en espaces de 45 minutes environ. Le prix était calculé à raison de 3 francs pour chacun. De Courcelles à Fontaine on comptait un poste soit donc 3 francs. Pour Anderlues on donnait 4,50 francs, pour Gosselies 2,25 francs, pour Nivelles 6,75 francs et ainsi de suite.
Il n’est pas sans intérêt de signaler que ce service postal ne s’effectuait pas sans accident ni incident. Les routes de l’époque étaient mauvaises et entretenues par des procédés empiriques.
On signale, en 1819, un accident survenu à « Hulet » à cause du mauvais état du chemin. En cet endroit, il décrivait une courbe et de chaque côté se trouvaient des ormes dont les feuillages se touchaient. Jamais le soleil ne séchait la route qui se présentait en forme de cuvette. Il avait plu toute la journée et la diligence partait de la Posterie se dirigeant vers Haine-St-Pierre. Arrivée à l’endroit décrit, c’est-à-dire à 100 mètres de son point de départ, l’essieu de la voiture se brisa jetant dans la boue un jeune Français, qui par la suite, revint plusieurs fois à la ferme de la Posterie, se montrant empressé auprès d’une des demoiselles de Fontaine. Une autre fois c’était un cheval qui brisait son limon au passage à gué du ruisseau des « claires fontaines ».
Que de réclamations au sujet des routes. En 1820, on signale dans un procès verbal de « rendage » du chemin, par un habitant qui avaient entrepris les « réparations » de la chaussée de Mons à Nivelles, qu’il fallait à l’avenir enchâsser beaucoup plus de branches entre les rondins placés en travers de la route près de Miaucourt, et jeter dessus la terre de nettoyage des fossés, afin d’éviter des chocs aux voitures et chariots.
On nous a rapporté aussi qu’en 1813 des cosaques russes chassèrent les Français de la Hollande jusque Charleroi et qu’un détachement était venu camper à Courcelles « Scaude ». Le général envoya une estafette au relais de poste de Courcelles demandant de bien vouloir mettre de l’eau à la disposition des soldats et des chevaux. Le maître de poste fit aligner, le long du chemin, des cuvelles pleines d’eau et le général, très satisfait, entra à la Posterie, y prit un repas et distribua une poignée de décorations aux postillons et gens de ferme. Ces médailles furent gardées longtemps par leurs possesseurs.
Il nous fut également raconté que l’Empereur Alexandre de Russie, qui lutta contre Napoléon à Austerlitz et qui contribua à la « Sainte-Alliance », était venu en Belgique pour des raisons mystérieuses. Après les événements de 1814, il passa par Courcelles. Il logea à la Posterie pour les motifs qu’il était chez le premier magistrat et que sa cuisine était excellente. Le lendemain, l’Empereur partit sous un chaud soleil ; le maître de poste voulut l’accompagner à titre de guide. Sur la place du Trieu, du sable soulevé par le vent et par le pied des chevaux pénétra dans la voiture par la portière entrouverte.
Et l’Empereur de dire : « Maître de poste, vous faites trop de poussière, retournez chez vous ! ».
Nous terminerons ces quelques notes et souvenirs en donnant les noms des dernières personnes occupées au service de la Posterie :
- Postillons : Armand-Joseph Lecomte, Jean-Baptiste Deigne ;
- Palefreniers : Bernard et Bourgeois ;
- Aide : Dubois F.
D’autre part il existait en 1832, à Courcelles, un nommé Bnoso Philippe, entrepreneur de diligences, né à Gand en 1784.
Textes recueillis grâce à la précieuse collaboration de Maurice Gantois.
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